Antigone | Cie à l'Ouest d'Eden

Note d’intention

« Je dédie ce spectacle aux femmes Afghanes, qui comme Antigone, sont emmurées vivantes, soumises au pouvoir des hommes.

Je ne peux m’empêcher de penser à elles, chaque fois que je joue sur une scène de théâtre, cet espace de liberté où j’ai la possibilité de m’exprimer. »

Lulu-Antigone », clown-résistante

Et si l’Eden, ce lieu idéal, était situé à l’ouest de notre société de la rentabilité, lové dans les tripes des clowns, des naïfs et des spoliés ? C’est ce que suggère, par le détour de la tragédie antique, Antigone à l’ouest d’Eden. Une performance clownesque signée Véronique Martin, alias Lulu.

Le nez rouge, le ciré flashy, une féminité confinée dans une démarche patibulaire, des trémolos dans la voix, une naïveté hilarante et ce projet qu’elle trimballe depuis des lustres dans un vieux cartable râpé… Au premier abord, Lulu n’est qu’un clown, et la tragédie qu’elle vit rend cet état d’autant plus criant : la comédienne se fait chasser de son théâtre par M. Brogniard, un sale type soucieux uniquement de rentabilité immobilière, Goliath d’autant plus inatteignable qu’il est symbolisé par une veste vide pendue à un porte manteau, c’est-à-dire creux… tandis qu’elle, Lulu, idéaliste et généreuse, voit rouge sang et s’exprime tout feu-toutes flammes, à l’image du personnage qu’elle souhaite incarner, Antigone. Mais crénom ! comment, sans théâtre, incarner la princesse de Thèbes emmurée vivante pour avoir enterré son frère ?

Occuper l’espace, coûte que coûte

Qu’à cela ne tienne ! D’ingénue dont on se rit, Lulu se métamorphose devant l’homme d’affaires en une talentueuse femme-orchestre revêtant tour à tour la majesté d’Antigone et la brusquerie des hommes qui l’entourent. Avec des moyens succincts mais qui facilitent l’ascension (une échelle, un accordéon), elle finit par terrasser littéralement M. Brogniard. Non que cette Don Quichotte réussisse à conserver son lieu (la finance est plus forte), mais parce qu’elle a su convaincre l’homme d’affaires que, décidément, le théâtre n’est pas sur les planches, mais dans les tripes des comédiens, l’esprit des artistes et le combat des Antigone-David qui jamais ne désertent.

Antigone à l’ouest d’Eden invite donc bien à une réflexion philosophique sur l’a-topos qu’est le théâtre, cet art de la résistance – et de son corollaire, l’espérance… Le tout sans flonflon ni poncifs et grâce à une figure borderline qui ne cesse, à son insu, de raccommoder tragédie et comédie, idéal et réalité : le clown. A voir donc, pour le jeu de comédienne, le sujet et la fraîcheur dégagée !